À un coup de fusil de la Corée du Nord (10)

L’arrière-grand-mère maternelle de l’enfant habite Gangwando, tout près de la frontière nord-coréenne, à la côte ouest de la péninsule, aux abords de la mer jaune et à l’entrée du fleuve Hangang, l’entrée maritime vers le pays. Cette embouchure stratégique a été le théâtre d’un nombre impressionnant de guerres lors des invasions mongoles, mandchoues et chinoises à travers les temps. Lorsque Séoul a été assiégée par les hordes de Gengis Khan, les autorités coréennes des dynasties Goryo et, plus tard, Choson, ont déplacé le quartier général des opérations militaires à Gangwangdo. En 1866, et en représailles à l’assassinat barbare de dizaines de missionnaires français catholiques, le Second empire français, sous la gouverne de Napoléon III, a envoyé plusieurs canonnières pour prendre l’île. Premier véritable contact de force avec les « Blancs ». L’entreprise a plus ou moins réussi, les troupes impériales du neveu de Napoléon Ier ont dû abandonner quelques canons vétustes sur l’île, aujourd’hui encore vestiges d’un temps révolu. Mais avant de reprendre le large, les Français ont confisqué de nombreux livres royaux, des bouquins écrits en Chinois pour la plupart qui, ironie de l’histoire, et les Coréens eux-mêmes l’admettent, auraient été assurément détruits par les troupes japonaises lors de l’occupation de 1905-1945. La France a restitué les précieux documents à la Corée du Sud au début des années 2000 et les tensions entre les deux nations se sont depuis beaucoup plus apaisées. Aujourd’hui, il en coûte 2$ pour aller contempler leur page de couverture dans les temples de l’île. Cela dit, cette première rencontre meurtrière Occident-Corée a été le prélude à une succession d’invasions sanglantes. Les États-Uniens ont suivi, en 1871 (pendant que le Second empire français était anéanti par la Prusse de Bismarck). Les Yankees ont massacré plus de 350 soldats en les bombardant depuis leurs navires pour forcer le pays à ouvrir son marché économique. L’OMC à ses débuts. Ils ont réussi. La Corée a été affaibli, ils ont ouvert les jambes… les Japonais en ont profité, imaginons, de concert avec les autres nations.

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Ci-haut, la frontière entre le Nord et le Sud. On dit que dans ces eaux, jamais pêcheurs saura trouver autant de poissons. Personne ne peut traverser, d’un côté comme de l’autre, vous vous ferez descendre; ce n’est pas une question de système économique, c’est une question sans réponse.
Ci-bas, d’autres points de vue sur le Nord, les plus près qu’il m’ait été jusqu’à présent donné de voir.

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On souhaiterait tous la réunification pacifique, comme plusieurs de mon très petit clan d’Amérique souhaiteraient l’indépendance du Québec en chantant des chansons folk-indie-trash-country-blues-world-pop-underground ou en écrivant des poèmes pour faire pleurer les étoiles, comme l’a dit si bien dit camarade Guerrette… Sauf que…

Je me suis donné de grands défis. Une ambassade d’un Québec libre dans une Corée réunifiée. J’y crois. C’est l’humanité que je souhaite. Le pire dans toute cette histoire qui défile devant moi, c’est que je suis certain que beaucoup d’entre vous êtes d’accord avec moi, la planète vivrait mieux avec une grande Corée et un vaillant Québec accompli, mais vous avez tous abdiqué, vous vous êtes tous résignés à n’être que l’ombre de vous-mêmes en chantant soûls les soirs de pleines lunes, ou devant des salles de moribonds intoxiqués par l’égocentrisme. Je ne vous blâme pas, je suis le premier traître à la nation. Je l’ai quittée, je la quitte, je la quitterai. Je ne l’aime plus autant. Le cordon a été sectionné pis je m’en câlice. Je suis l’ambassadeur de l’inachèvement, le guerrier de la soumission, le sous-fifre de l’économie. Je pue. Je crains. Je veux me laver de vous.

Je suis surtout pour sûr trop fier, d’où cette arrogance chiante qui fait que je suis souvent un sale con pas parlable. Cré ! Je suis pas mieux que toi, toi pis tes petits démons. Mais je ne m’excuserai par contre jamais de rêver et de croire en moi, en ceux qui rêvent encore. En des termes plus contemporains, mon égoïsme n’a pas à rougir du vôtre. L’injustice historique, c’est le lot de l’humanité, nous ne sommes pas les seuls, ni les derniers. Ce n’est pourtant pas une raison de se comporter en mollusques attristés. Courage, dignité, fierté, honneur, sont-ce des aptitudes qui me sont interdites pour être Québécois ? Si tel est le cas, fuck le Québec !

Je crois au bienfondé des frontières, car je ne tombe pas dans l’absolutisme uniforme, dans la mesure où elles, les frontières, permettent à des nations d’avoir la pleine autonomie sur la gestion de leurs affaires, une gestion révélant des valeurs communes, une cohésion sociale légitime et historique, mais il y a de ces frontières complètement absurdes imposées par les autres qu’il faudrait au plus vite effacer, celle du 38e parallèle en est une. De l’autre côté du cours d’eau, on peut apercevoir des villages, on dit au Sud qu’il sont faux, qu’ils sont inhabités; sincèrement, je ne sais plus qui croire. Au Sud, on paye un dollar pour observer dans des jumelles publiques le pauvre peuple du Nord vaquer à ses besognes quotidiennes, on les observe comme s’ils étaient des animaux dans une cage bien planquée dans un zoo, on les observe en se félicitant quand on en aperçoit un faire un geste hors du commun, petit singe communiste de cirque, ça s’esclaffe, ça rigole en disant, woa, il y a du monde, regarde, là, à gauche, ça bouge… À quel point cela m’écoeure pensez-vous ? Imaginez des touristes de Westmount payer pour aller observer à l’aide de jumelles des enfants de Hochelaga…

Il doit bien y avoir un juste milieux entre les nunuches qui courent en talon-haut avec leurs sacs Prada pour ne pas manquer le dernier solde et les pauvres enfants qui mangent des rats pour survivre. La propagande, elle se construit des deux côtés. Les big shots de la Corée du Sud ne veulent pas se réunir, tout comme les big shot du Québec, ils ont peur pour l’économie, comprendre… Ils ont peur de moins encaisser de profits. C’est tout, that’s it, il n’y a aucune autre explication qui vaille. La peur, le cash, la peur, le cash, la peur, le cash, répétez des millions de fois jusqu’à ce que votre tête explose…

Mais bon, je ne sais pas qui je suis, je sais qui on voudrait que je sois… Je suis la déception canadienne… Mais je sais surtout que je ne suis pas Coréen, je ne le serai jamais, or l’enfant que j’ai mis au monde l’est, le sera, elle vous le dira un jour, dans des mots de napalm qui détruiront nos certitudes…

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Enfin, l’on revient au plus près de soi-même avec l’aide d’une femme qui prend le temps de vous resservir quand le verre est vide. Et je ne saurai jamais comment la remercier tant elle me comprend.

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